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Quand l'inédit devient notre quotidien

La crise sanitaire liée au Covid-19 nous rappelle crûment l'urgence des choix que nous devons faire, collectivement, pour l'avenir. Quand l'imprévu devient la norme, nous devons anticiper pour nous adapter.

La prospective n’est pas une prédiction. En octobre 2019, lors de la présentation de son rapport "Vivre en Normandie en 2040, l'heure des choix", la commission prospective du CESER de Normandie n'a pas spécifiquement évoqué un évènement aussi inouï que l'épidémie liée au coronavirus qui frappe l'humanité. Nos réflexions n’ont pas non plus mené à la description d’une telle crise humaine, sanitaire et économique globale dont nous subissons les effets depuis quelques semaines.

Ce rapport évoque malgré tout quelques pistes de réflexion qui pourront être revisitées lorsque la phase aiguë de la crise sanitaire sera terminée. Ces pistes de réflexion concernent des enjeux majeurs identifiés à cet horizon de 2040, tels que l’allongement de la durée de vie, les catastrophes liées aux changements climatiques dans un contexte de souhait de liberté des individus qui, par leur mobilité et leur circulation, favorisent les pandémies.

Notre scénario cible a volontairement placé la nécessité d’atteindre à cette échéance, une qualité de vie avec des défis majeurs : un territoire normand plus résilient, c'est-à-dire, pour le CESER, « la capacité, dans un environnement incertain marqué par des ruptures, à encaisser des chocs imprévus et retrouver un équilibre après les chocs » ainsi que la nécessité de développer la culture du risque, enjeu essentiel pour faciliter cette résilience. Il apparaît nécessaire de se préparer à percevoir les risques (sociaux, environnementaux, sanitaires, économiques…) et de sensibiliser, informer pour faire progresser les usages et veiller au respect des besoins vitaux.

Ce document fait suite à une prospective exploratoire menée en 2017,  qui proposait 4 scénarios différenciés des futurs possibles. En évoquant la question « Que peut-il advenir ? » dans un avenir de moyen et long terme, des situations à éviter avaient rapidement émergé :

  • La société se compose de grappes en concurrence. Les unes et les autres, au fil du temps, ont défendu leurs intérêts particuliers dans un contexte de mondialisation non régulé. Les individus sont renvoyés à leurs propres responsabilités que ce soit en matière d’éducation, de santé, d’insertion, d’emploi…
  • Les services et l’offre de soins publics sont clairsemés, des offres privées ont fleuri sur des territoires en proximité d’enclaves de richesse. Des individus éloignés des services publics par la dématérialisation à outrance, sont totalement démunis faute de relais des corps intermédiaires qui n’ont pas résisté à cette montée des individualismes. Les affrontements violents sont monnaie courante.
  • L’industrie occupée à défendre ses parts de marché n’a ni anticipé, ni fait le pari d’investir sur le démantèlement des vieilles unités de production. De nouvelles ressources comme les énergies marines renouvelables dans les domaines de l’alimentation et de la santé n’ont pas été exploitées.

Désormais, nous devons admettre que l’inédit est notre quotidien. L’inédit doit nous alerter sur la possibilité de se faire surprendre par l’accélération des phénomènes, dans plusieurs domaines, tels que celui des phénomènes climatiques de plus en plus fréquents et puissants, celui de l’influence croissante des algorithmes et des GAFAM dans notre vie professionnelle ou personnelle ou encore celui des réactions sociétales et des mouvements sociaux.

Une vigilance particulière doit être apportée, sur le champ du social afin de conserver l’équilibre de la société et la démocratie car la qualité de vie s’apprécie au regard du degré de cohésion entre groupes de population et du degré de régulation des pouvoirs publics pour assurer cette cohésion.

La prospective est aussi un outil pour évoquer des projets sur un temps long, comme les infrastructures, les innovations technologiques … Anticiper pour agir en analysant le monde d’aujourd’hui, dans ses mouvements lents ou brusques, sa complexité (après l’impact du numérique, de l’intelligence artificielle, ou l’évolution de la biologie en lien avec l’éthique, que peut-il se passer ?), ses incertitudes (comment se prémunir des conséquences du réchauffement climatiques, quelle modifications des relations internationales tant économiques que politiques, quelles ambitions pour les pays européens et les attentes toujours plus critiques de la part des citoyens européens, et avec quelles marges de manœuvre ), ses disruptions (la crise de 2008, le Brexit, des catastrophes naturelles de plus en plus fortes et plus fréquentes, les pandémies).

Bref, en 2040, serons-nous parvenus à faire face au changement climatique et aux transformations des sociétés, avec des acteurs aux visions et aux intérêts différents, voire très divergents ?

Avec des réflexions déconnectées de l’immédiat et de l’actualité, il est nécessaire de dérouler des hypothèses, de décrire une vision d’avenir souhaitable et enviable déconnecté des temps des mandats électoraux. Alors, en excluant tout pessimisme, en partant des choix déjà faits et des décisions déjà prises, et en observant des alternatives possibles, nous avons réfléchi à un « après-demain » souhaitable et enviable.